Biolay prend l'air - Zurban n°145 ( 4 au 10 juin 2003)
Benjamin Biolay se lance sur la scène de la Cigale avec Négatif, un nouvel album aux accents country. Entretien avec un chanteur plutôt zen.
Zurban : Ce nouvel album démarre très country...
BB: Je voulais vraiment qu'on sente les saisons, le passage du temps. Je suis resté en studio du début de l'été jusqu'à la fin de l'hiver. La country, c'est synonyme de bucolique. J'avais fait un premier disque que je trouvais balnéaire, cette fois j'ai écrit pas mal de titres à la campagne. Il y a même certains titres conçus en plein air, ce que je n'avais jamais fait auparavant.
La country, c'est aussi l'Amérique. Elle continue de t'obséder ?
J'avais envie de parler de l'Amérique, mais plus de l'aspect négatif du rêve américain, le cauchemar. Finalement, ce n'est pas seulement un phénomène américain : en France, il y a des banlieues typiquement américaines, avec des grands ensembles commerciaux...
Tu travailles souvent avec des femmes, Keren Ann, Chiara Mastroianni, Juliette Gréco...
Ce sont les hasards de la vie. J'aime les femmes et je m'entends bien avec elles. Elles sont plus loin de ce que je suis, c'est un voyage intéressant. Et puis il y a moins d'hommes pour qui j'aurais envie d'écrire. Avec Keren Ann, j'étais obligé de féminiser ma pensée, c'est comme ça que tout a commencé. J'y arrivais tellement bien qu'à la fin, tout le monde pensait que c'était elle qui écrivait ses textes (rires). Et puis c'est devenu une dualité réelle chez moi.
Tu n'as pas hésité à faire chanter Chiara Mastroianni, ta femme ?
Je me suis demandé si
on n'allait pas subir quelques quolibets. En même temps, c'était
naturel, comme de l'artisanat domestique. J'ai toujours besoin d'entendre un
choeur, ou ma chanson chantée par quelqu'un d'autre. En studio, on a
restitué la même ambiance domestique, à deux ou avec l'ingénieur
du son, mais il n'y avait pas de pression. Chiara s'y est prêtée
avec beaucoup de plaisir : après tout, c'est son métier d'interpréter
et il faut aussi croire à ce qu'on chante. Quand je chante,
j'ai moi-même l'impression d'être un personnage.
Comment te sens-tu sur scène ?
C'est encore un autre métier, il faut apprendre, ça demande du temps, de la patience, il faut être très exigeant avec soi-même. Entre ce qu'on ressent et ce que ressent l'adudience, il y a une vraie différence... La notion de spectacle me dégoûte un peu mais elle est aussi nécessaire. Je n'aime pas le coté show écrasant, le décalage avec le public...
Françoise Hardy a renoncé à la scène. Tu pourrais faire le même choix ?
Ce n'est jamais un choix, c'est une déception, une décision qui devient inévitable. Dès qu'elle mettait un pied sur scène, elle était descendue par la presse. Elle a une voix magnifique mais fluette et le matériel de l'époque n'était pas assez performant. Elle a donc planté le truc, comme Gainsbourg l'a fait pendant un moment. Je n'ai aucun problème à m'être fait dessouder lors d'anciens passages sur scène, car je sais que je n'étais pas au point. Aujourd'hui, ça s'arrange, j'en ai envie, je fais donc en sorte que ça se passe le mieux possible. Mais si je me fais descendre, j'arrêterai (rires).
-- Propos recueillis par Julien
Grunberg.
-- transcrit par Sonar Démocrate