Le surdoué à l'Ancienne Belgique - Zone 02 n°17 (01-07/10/2003)

Benjamin Biolay est en train d'accomplir en quelques années tout ce dont peut rêver un passionné de chanson française. Après avoir été remarqué pour son travail avec Keren Ann, il a écrit avec elle pour Henri Salvadir son tube du retour (Jardin d'hiver) et se voit dès lors sollicité de toutes parts. Son premier album solo, Rose Kennedy, est couvert de louanges et reçoit la Victoire de la Musique de la Meilleure Découverte 2002. Celui qu'il écrit pour sa soeur Coralie Clément charme aussi dans son registre plus léger. Son deuxième opus, Négatif, est accueilli au début de cette année avec les plus grands égards de l'ensemble des médias. Il faut reconnaître que Benjamin Biolay a tout du surdoué. Ses compositions sont élégantes et surtout, il écrit des arrangements d'un moiré fascinant, qui évoquent souvent ce que Gainsbourg obtennait chez Vannier ou chez Whitaker. Toutes ces caractéristiques de petit génie qui pourraient énerver sont cependant tempérées par un caractère qui affecte le maussade et la dépression et place Benjamin Biolay du côté des tourmentés. Benjamin Biolay naît dans une famille modeste mais musicienne et commence rapidement le violon au Conservatoire de Lyon, puis passe au tuba et ensuite au trombone tout en montant un groupe punk en dehors de l'institution. La singularité Biolay tient sans doute dans cette maturité musicale précoce qui s'allie au mal-être de la jeunesse. Ses chansons sont troubles, sa voix parfois étranglée d'une colère froide. Il ne travaille plus aujourd'hui avec Keren Ann, mais son "aristocratie" un peu maladive est très recherchée dans un monde de la chanson française qui manque cruellement de brillante subversion de puis Gainsbourg. Il écrit pour des artistes qui lui importent, pour Valérie Lagrange, pour Juliette Gréco, pour Françoise Hardy ou son ami Hubert Mounier, mais s'affirme aussi comme interprète. A ce titre, la scène ne peut que faire prendre de la bouteille à une voix qui n'a manifestment pas reçu la même intense éducation que que ses autres aptitudes musicales.

-- JGM