Négatif - Télérama n°2777 (2 avril 2003)

Nous avions déjà fondu pour le premier disque de Benjamin Biolay, Rose Kennedy, concept album littéraire sur la famille Kennedy, à l'élégance mélodique bluffante et aux arrangements - de cordes notamment - magnifiques. Les mêmes adjectifs élogieux viennent à l'esprit à l'écoute de Négatif, deuxième collection de chansons du jeune Lyonnais de 29 ans, coresponsable avec Keren Ann du retour aux affaires d'Henri Salavador, il y a deux ans. Avec sa belle gueule de dandy, son ton froid, sa distance élégante, Biolay n'est pas un robinet à émotions. Et c'est précisément ce qui le rend unique dans le paysage tricolore, depuis la disparition de Gainsbourg (une de ses idoles), autre grand pudique. Plus qu'un chanteur, Biolay est un narrateur de petites nouvelles en clair-obscur, mélancoliques et classieuses. Dans "Chaise à Tokyo", une partie de jambes en l'air suggérée ramène bien vite à des souvenirs aussi
jaunis que douloureux : « La vieille auto était blanche / Nous roulions le dimanche, grand-mère avait des fleurs / Le vieux piano était droit, mon oncle n'aimait pas que l'on en joue sans coeur / Inutile de s'en faire, tout ça est loin derrière / Inutile de rêver, ça ne reviendra jamais... » Un grand disque de chansons pop névrotiques mais hautement mélodiques (les impressionnants "Little Darlin'", "La Pénombre des Pays-Bas", ou "Billy Bob a raison"), quelque part entre le "Requiem" de Fauré, Bryan Ferry et
la littérature de Scott Fitzgerald. Magique, on vous dit.

note: 4f.

-- David Angevin.