Négatif - Métro (mars 2003)

Biolay parmi les grands Le jeune chanteur-compositeur publie Négatif, digne de Gainsbourg Après un concept-album décliné comme un exercice de style sur le mythe de la famille Kennedy, après d'innombrables morceaux écrits pour Henri Salvador, Karen Ann (sic) et sa soeur, Coralie Clément, Benjamin Biolay a composé et arrangé un superbe album, Négatif.
N'ayons pas peur des mots : Benjamin Biolay est l'artiste le plus doué de sa génération. A l'écoute de son deuxième album, il faut oser évoquer Gainsbourg pour ses textes ciselés, Murat pour une certaine vision des choses ("La vie ne vaut la peine que lorsqu'on roule à perdre haleine"), Bashung pour les atmosphères envoûtantes et, peut-être, Dutronc pour son allure de dandy désabusé.
Mais Benjamin Biolay ne reste jamais dans l'ombre des plus grands de la chanson française. La charge émotionnelle de ses textes repose sur des non-dits, sur l'abîme sans fond que l'on devine en filigrane. A l'exception de la jolie petite chose qu'est le single, "Une chaise à Tokyo", la matière que pétrit Benjamin Biolay est lourde et sombre. Son art réside dans cette politesse qu'il a de ne jamais trop en faire, ni dans la voix, ni dans les arrangements.

Les chansons se présentent parfois comme faussement insouciantes, mais c'est souvent de rupture et de souffrance qu'il s'agit. Elles sont autant de vignettes dans lesquelles le drame est mis en scène avec élégance, pudeur et retenue, "sans trop entrer dans les détails". Ellessont également pourvues de bulles d'oxygène, de parenthèses aériennes qui donnent parfois l'impression d'écouter deux chansons en une ("Nuits blanches"). Même s'il semble intemporel, l'album n'est jamais passéiste et les subtiles touches 'électronique soulignent, si besoin est, l'étendue des qualités de cet artiste aussi discret que talentueux.

-- par Raphaëlle Dedourge