"Initials B.B." - Magic! n°70 (Avril 2003)
A
comme Appalaches - B
comme BB - C comme Coralie (Clément)- D
comme "Darlin' (Little)" - E comme Erwin (Autrique)
- F comme Françoise (Hardy) - G comme Gainsbourg
(Serge) - H comme Hubert (Mounier) - I comme
Image - J comme Juliette (Gréco) -
K comme Kennedy (Rose) - L comme La Révolution -
M comme Mastroianni (Chiara) - N comme "Négatif"
- O comme Obligations - P comme Paternité
- T comme Trombone - U comme United States
- V comme Villefranche-Sur-Saône -
W comme Wind ? - X comme X (Generation) -
Y comme Yalta - Z comme Zeidel (Keren Ann)
Un mot qui m'a toujours fait
rêver. Dans la chanson où je l'emploie, il est sorti spontanément.
Cette région est un des berceaux de la country music. La permanence des
lieux, que je connais, fantasme ou abhorre, relève d'un besoin impérieux.
"Nuits Blanches" est un des rares morceaux que j'ai écrits
aussi vite. Chacun peut parler de ses nuits blanches, il suffit juste de dérouler
le tapis et de bien réfléchir à ce qu'on y voit.
Quand j'étais petit, j'avais
un peu honte de mes initiales, tout comme de m'appeler Benjamin. Je me demandais
comment dépasser le cap de l'enfance avec un tel prénom. D'ailleurs,
en consultant le guide des prénoms sur Internet, j'ai découvert
un sondage où l'âge présumé d'un Benjamin était
situé en dessous de vingt ans. A l'école primaire, on m'a balancé
quelques vannes foireuses sur "BB", et puis j'ai découvert
qu'il y en avait plein d'autres, alors ça m'a calmé. (Sourire.)
J'ai tendance à la voir
encore comme ma petite soeur. Elle m'a fait un beau cadeau en chantant aussi
joliment et en y mettant autant de vie. Elle m'a forcé à être
très exigeant. Immédiatement, elle a fait preuve d'un sérieux
et d'une minutie que je ne lui connaissais pas. Ayant déserté
assez tôt la maison familiale, je la connais peu dans la vie de tous les
jours. Elle m'a vraiment impressionné. Mais je n'ai pas encore pu la
voir sur scène tellement j'ai peur pour elle, alors qu'il paraît
qu'elle s'en sort très bien et que je ferais mieux de régler mes
problèmes... (Sourire.) Pour son prochain album, j'ai envie de tout change.
Il faut trouver une autre façon de le faire, peut-être moins anecdotique.
Ça fait partie de ce qui me travaille actuellement.
Une chanson née d'un hasard
et d'un fantasme réalisé. Je n'avais encore jamais publié
un tel bricolage. Pourtant, j'en ai fait quelques-uns, mais je ne voulais pas
passer pour le Moby du pauvre. A la fin d'une session d'enregistrement, je me
suis mis à jouer ces trois accords, que je trouvais pop et presque "fatboyslimesques".
J'ai balbutié deux-trois phrases en yaourt, mais ce n'était pas
une chanson qui m'était destinée a priori. J'ai cherché
des samples, et celui-ci (ndlr: "Little Darling" de Jimmie Rodgers
And The Carter Family) est tombé comme par miracle. Ça faisait
partie des disques que j'écoutais en studio et m'a inspiré l'histoire
du mec sur la chaise électrique, qui revoit sa vie et lâche sa
complainte de l'intérieur.
Un mec extraordinaire, capable
d'être à la fois froid et humain. Erwin sent de lui-même
si la session est périlleuse, grave ou importante pour moi. Dans l'absolu,
il sait que j'aimerais chanter tout seul à la maison. Alors, tel un robot,
il est devant son ordinateur à enregistrer les prises, sans me regarder
ni dire un mot. Parfois, il est à l'initiative de certaines choses, en
prenant de la liberté avec mes structures. Il a une connaissance absolument
démente de l'ingénierie, un sens de la stéréo incroyable.
Je l'ai rencontré à l'époque de "L'Homme Aux Mille
Vies" de L'Affaire Louis Trio, mais sans travailler avec lui. Je l'ai tout
de suite trouvé charmant et brillant. Quand j'ai terminé le premier
album de Keren Ann, j'ai cherché un mixeur de qualité. A l'époque,
il n'avait pas encore cette réputation, mais celle d'un preneur de son
exceptionnel. Je l'ai donc mis dans l'embarras en lui disant qu'il allait révéler
La biographie de Luka Philipsen. Aujourd'hui, j'aurais du mal à imaginer
un disque sans qu'il contienne sa dose d'Erwin. De plus, il me connaît.
Il sait qu'un morceau peut sonner comme de la merde pendant trois jours, mais
que je ne vais pas lâcher l'idée que j'ai en tête. Il est
essentiel.
Quelqu'un que j'admire et à
qui je demande souvent conseil. Quand je fais un disque, elle fait partie des
premières personnes à qui je l'envoie pour savoir si elle va me
sortir l'artillerie lourde ou si elle va être charmée. Je la trouve
merveilleusement intelligente. En employant "la question" dans "Je
Ne T'Ai Pas Aimé", je ne souhaitais pas spécialement lui
rendre hommage. Il y a un an, je lui ai envoyé des chansons comme je
lui aurais adressé des fleurs. Si jamais elle enregistre un nouveau disque,
elle compte en prendre une ou deux, mais ce n'est pas à l'ordre du jour.
Évidemment, je rêve de les entendre chanter par elle. Je l'avoue.
(Sourire.) Sa voix me fait planer. C'est la seule personne qui n'a pas changé
de voix avec les années, quels que soient l'époque, les producteurs,
les studios, le temps, son état de santé, etc. Une telle constance
m'impressionne.
C'est difficile d'en parler parce
que je me sens proche de lui. Or, je n'ai aucune légitimité à
le dire puisque je ne l'ai jamais rencontré. Même si je ne le connaissais
pas, c'était mon prof de chansons quand j'étais plus jeune. Il
explique ma volte-face. Pendant très longtemps, je cherchais à
faire de la musique anglaise comme les Anglais. Or, ça n'a aucun sens
quand tu ne maîtrises pas parfaitement cette langue. D'autant que j'étais
francophone, francophile et pétri de culture française. Pour parler
un peu technique, la plupart des chanteurs pop anglo-saxons sont des ténors,
et les Français plus naturellement barytons. Comme j'essayais d'écrire
en français une version ténor, c'était forcément
immonde. Il suffisait découter deux disques de Gainsbourg pour tout comprendre.
(Sourire.) De toute façon, il a fait presque un sans-faute. C'est tellement
rare. Même ses derniers albums qui ne sont plus dans l'air du temps, avec
l'équipe B de Nile Rodgers, sont intéressants. Quand j'écoute
"Sorry Angel", je suis renversé. Je pense que Gainsbourg n'a
pas été bien traité par le show-biz. Certaines choses me
font vraiment de la peine. Quand je regarde les ventes de "Histoire De
Melody Nelson", quelle baffe pour un disque aussi chiadé... Il se
l'est pris comme un boomerang, mais il a persévéré. C'est
aussi lui qui m'a fait comprendre qu'on pouvait être féminin dans
sa façon d'écrire. Il arrivait à les rendre toutes chic.
Que l'intérieur pour dames...
Mon autre prof de chansons et
un de mes amis les plus proches. Malgré notre écart d'âge,
il n'a jamais été condescendant. Ce fut une rencontre inespérée
et décisive. S'il n'existe pas de recettes, il m'a quand même enseigné
deux-trois astuces. Par exemple, oublier les adverbes. Car tout ce qui fait
plus de deux syllabes ne fonctionne pas. Ensuitre, j'ai pris ce que je voulais
bien prendre. Je l'admire tellement. Il a écrit des chansons dont je
suis dingue, comme "Loin" sur "Mobilis In Mobile". C'est
un bijou, une chanson française éternelle. Avec Hubert, je ne
lâcherai pas l'affaire. Il pourrait donner des leçons à
bien des gens. Je suis impatient qu'on se remette autre travail. On s'appelle,
mais on se voit peu parce qu'il habite en Ardèche. C'est une véritable
tannée d'y aller, d'autant que je ne conduis pas. Avec la perspective
de son prochain album, on va se voir plus souvent. Donc on va se taper dessus
comme au bon vieux temps.
Tu veux dire le groupe toulousain
? (Rires.) Plus sérieusement, j'en ai plein la tête quand je travaille.
D'ailleurs, physiquement, j'éprouve un certain besoin d'images. Très
peu, deux-trois photos posées par-ci, par là. Quand je suis planté,
je pense à une image qui m'ouvre une porte. Quant à la mienne,
je ne la vois pas. Ça ne m'inquiète pas encore. Je fais confiance
à des personnes dont c'est le métier. Mon premier album a cristallisé
mon côté dandy qui compose de la musique légèrement
rétro avec des torrents de cordes. Je suis plus nerveux et brutal dans
la vie, mais je m'y suis pris comme un pied. Quand on te sort de la tanière
avec les phares de la voiture en pleine figure, tu es forcément hébété.
Comme il fallait bien que je parle, j'ai dit pas mal de conneries, certaines
dont je suis content et d'autres que je regrette. (Sourire.) Pour ne rien te
cacher, les quelques aspects que j'ai pu percevoir de moi à travers les
interviews m'ont donné envie d'éclater le mec. Comme ce n'est
pas vraiment moi, je ne vais pas non plus m'ouvrir les veines. Aujourd'hui,
j'ai décidé de ne dire que la vérité. Je ne vais
pas être complexé à l'idée de répéter
les mêmes réponses si les mêmes questions reviennent. Mieux
vaut dire exactement ce qu'on pense et ce qu'on est, sans s'en soucier davantage.
C'est con comme adjectif, mais
je la trouve moderne. Avec elle, j'apprends des tonnes de trucs. Même
si je ne saurais pas encore te le synthétiser. Chaque fois que je la
vois, je suis admiratif. Je n'aurais jamais imaginé qu'une telle rencontre
m'arrive. Par la force des choses, je me retrouve dans une lignée d'auteurs
plus que prestigieux. Sur le lot, il y a fort heureusement quelques nazes aux
côtés desquels je serai rangé dans le pire des cas. Pour
elle, je fais surtout de l'écriture et de la composition. Répéter
la chanson et la voir naître instantanément est fascinant. C'est
comme du Polaroid musique. Après Juliette, je ferai une pause salvatrice.
J'évite d'y repenser.
D'ailleurs, je ne m'en suis pas du tout servi pour Négatif. J'étais
libre comme l'air quand j'ai fait ce premier album, mais j'en ai été
prisonnier par la suite. Je ne pensais pas qu'on me résumerait à
cela musicalement. J'en suis encore satisfait, même si je n'aurais pas
dû laisser passer une ou deux chansons. J'aurais surtout aimé mieux
le chanter. Pour cela, j'aurais dû prendre un grand bol d'air avant d'aller
m'enfermer. Il faudrait que je le réécoute à l'occasion.
Un souvenir épouvantable.
C'était l'époque où je n'avais pas compris que la chanson
française n'était pas la pop anglaise. Tout est allé trop
vite, mais je défie quiconque de refuser un contrat d'enregistrement
quand il s'agit du rêve de sa vie. Ce fut une expérience aussi
traumatisante qu'utile. Ayant connu la traversée du désert dès
mes débuts, je sais désormais à quoi m'attendre puisque
ça semble fatal. Je sais aussi ce que c'est de ne plus avoir de maison
de disques pendant deux ans. Et de tout faire dans le vide total, sans le moindre
interlocuteur. J'essaie donc que mes disques se vendent suffisamment pour continuer
à être publié. C'est mon cheval de bataille
Elle chante sur le disque parce
qu'elle est ma femme. Sans avoir exactement les mêmes goûts, on
a pleins de points de convergence : Bruce Springsteen, Nick Drake, etc. Elle
est plus Stones que Beatles, mais on s'est arrangé. (Sourire.) Dans l'ambiance
de maison de vacances les studios ICP, elle s'est retrouvée dans le confort
absolu. Erwin est tellement gentil et discret dans ces cas-là... Elle
connaissait déjà les chansons par cur parce qu'elle était
déjà passée sur le gril. Souvent, quand j'écris,
j'aime bien demander à quelqu'un de me chanter le morceau pour voir à
quoi il ressemble. Et j'ai flashé dès que j'ai entendu sa voix.
J'avais aussi écrit "Je Ne T'Ai Pas Aimé", qui se prêtait
bien à un duo. Évidemment, on a hésité avant de
savoir si j'allais le publier ou non. On avait peur des quolibets. D'ailleurs,
je n'ai pas dit à Virgin qui chantait la première fois que je
leur ai fait écouter. (Sourire.)
Comme elle est située
en fin d'album, il n'y a pas beaucoup de gens qui l'écoutent. Tu es même
la première personne à m'en parler. C'est la plus ancienne chanson.
Je l'ai écrite avant la sortie de Rose Kennedy. D'ailleurs, j'étais
tellement frustré qu'elle n'y figure pas que j'avais décidé
que le prochain s'appellerait Négatif. Je me suis donc conditionné
à employer des négations, poser des contraires, écrire
des histoires qui finissent mal. C'était parfois embarrassant, mais je
suis satisfait de m'être enfermé dans un système que j'ai
réussi à contourner. Négatif est le seul titre qui m'ait
ému en l'écoutant, comme si c'était quelqu'un d'autre qui
chantait. C'est une vision chétive et maladive de moi, qui témoigne
d'une période de ma vie où j'étais plombé. Je prenais
quand même quatre Lexomil par jour, je me droguais pas mal, sans prendre
de la drogue dure. Il était important de finir par cette chanson et que
le dernier mot prononcé soit "négatif". C'est un parti
pris artistique typique de quelqu'un de tordu. (Sourire.)
Je les accepte, pas forcément
de bon cur. Mais comme je veux continuer à être publié,
je m'y plie. Par naïveté, je me suis déjà retrouvé
dans des situations complètement déplaisantes. Par exemple, je
n'aurais jamais dû accepter la première partie de New Order à
l'Olympia (ndlr: le 12 novembre 2001). Étant fan de ce groupe mythique,
dont le come-back a été brillant, j'aurais réagi comme
le public : "Casse-toi, place à New Order maintenant".
J'attends cela avec impatience
et anxiété. J'ai pris conscience de plein de choses. Déjà
qu'il ne faut pas mourir... Je pense aussi à l'impact qu'ont eu mes parents
parce qu'on est chacun très déterminé par eux. Mais je
l'ai fait en connaissance de cause. J'ai quand même attendu d'avoir trente
ans. C'est donc pas un accident.
J'adore en poser. J'ai toujours
été très intervieweur dans l'âme. Il y a aussi l'album
de Françoise qui m'a beaucoup marqué. Certaines questions me gênent,
mais je n'en ai pas encore marre d'y répondre. En fait, je n'aime pas
les entretiens qui sortent totalement du contexte du disque.
Un de mes préférés.
C'est un album de transition qui marque la fin de l'âge tendre pour les
Beatles. Il y a certaines chansons, assez légères et joyeuses,
que j'adore absolument. Je l'ai usé jusqu'à la corde mon "Rubber
Soul". A partir de celui-ci, on entre presque dans l'art majeur. Les Beatles
sont ma référence, encore plus que Gainsbourg parce qu'ils sont
quatre. (Sourire.) Il y a trois songwriters de référence, des
musiciens de génie, un futuriste, un conservateur de musée...
En ce moment, je suis dans une phase régressive Beatles. J'en écoute
beaucoup. Avant de devenir mes super héros et mes mentors, ils ont été
la bande originale de ma vie. Pendant les vacances, j'avais la petite Anglaise
qui me faisait écouter "I Want To Hold Your Hand". Petit, ça
faisait partie des rares disques de mes parents qui ne m'ennuyaient pas. A quinze
ans, je suis allé m'acheter l'album blanc, pour changer des doubles compilations
"rouge" et "bleu". (Sourire.) Sans être manichéen,
je suis plus Lennon que McCartney. J'aime son esprit particulier, sa violence
contenue, son parcours, son sens du texte implacable, ses mélodies construites
avec deux bouts de ficelle qui restent gravées pour l'éternité.
Je sais aussi ce que ça lui a coûté d'être John Lennon
et ce qu'il en a fait. C'est un monument unique.
C'est quelqu'un que j'ai connu
autrefois. (Sourire.) Il ne m'aime pas du tout, donc je ne vais pas m'étendre.
J'ai écrit une poignée de chansons pour lui, dont une qui semble
s'accrocher pour rester dans le patrimoine. Je suis content que "Jardin
D'Hiver" soit devenu un classique. Je suppose qu'il pense que Keren Ann
a tout fait, que j'étais l'arrangeur et que je lui ai demandé
de partager les crédits. Il est tellement loin de la vérité...
C'est triste. Mais je ne comptais pas non plus en faire mon meilleur pote, vu
notre différence d'âge.
Ça a été
moins gagne-pain pendant quelques années. A l'origine, j'étais
tubiste, le tuba étant l'instrument le plus horrible de tous les temps.
Mais j'ai de bons souvenirs parce que j'ai travaillé avec Maurice André,
qui est reconnu comme le meilleur tromboniste du monde. Quand il en joue, on
dirait du violoncelle. C'est ahurissant. Le jour où j'ai eu mon prix
au Conservatoire, qui équivaut à un bon d'entrée dans la
vie active, la perspective de devenir tromboniste était terrifiante.
Alors j'ai rejeté le trombone, et je ne l'ai jamais réhabilité
depuis.
J'en parle encore dans ce nouveau
disque, même si mon rêve américain se prend une sacrée
branlée. C'est difficile de parler des États-Unis en ce moment.
Je trouve cela triste et lamentable qu'ils soient représentés
par cette administration sectaire, réactionnaire et clientéliste.
Ce n'est pas ça, l'Amérique. Il est temps que les choses changent.
C'est d'autant plus tragique que c'est un jeune pays. A l'image d'un adolescent
qui tourne mal à seize ans, c'est ensuite dur de le récupérer.
J'aimerais bien y aller pour voir comment ça se passe, parce que je n'y
suis pas retourné depuis les attentats. En revanche, artistiquement,
c'est un pays où il se passe toujours quelque chose. Dernièrement,
j'ai découvert avec retard Will Oldham en regardant un documentaire sur
Marianne Faithfull, qui l'écoutait chez elle, c'est vraiment beau. Même
s'il fait peur avec sa tête de psychopathe.
V comme Villefranche-Sur-Saône
Ça me paraît loin.
Je n'y retourne plus très souvent. Il y a plein de Villefranche dans
le monde entier. C'est un endroit pour dormir, et c'est tout. J'avais écrit
une chanson douce-amère sur la ville, où je disais que je n'aimais
que la gare à Villefranche. Mais ça m'a gêné, j'étais
trop insultant pour les gens qui y vivent et qui sont sans doute heureux. J'ai
voulu éviter de faire de la peine à ma mère.
C'étaient les balbutiements.
Comme on ne faisait pas de concert, personne ne venait nous faire chier. C'est
là que j'ai commencé à faire le petit chef et à
écrire mes premières chansons. J'étais à la fois
chanteur, claviériste et guitariste. On reprenait "Barbarism Begins
At Home" des Smiths, un titre qui nous rendait hystériques. On mélangeait
les covers chics et ultraringardes.
La vraie Generation X doit être
née en 1810 à la campagne. Cette appellation est une connerie,
une complainte de petits-bourgeois qui ne prennent pas le temps de savoir comment
cela se passait avant.
Ce fut un moment terrible. La
façon odieuse dont Staline, Roosevelt et Churchill se sont partagé
le monde est dégoûtante. Or, on vit toujours sur les bases de Yalta.
Notre génération en particulier a la chance d'avoir accès
aux livres d'histoire. Il est important de ne jamais oublier. D'autant que les
événements sont souvent cycliques. Je veux en apprendre le maximum
pour pouvoir le transmettre à mes enfants. Le passé, le présent
et le futur forment un triptyque qui me convient très bien.
On ne se voit plus. Comme dans
tous les groupes, il y a un moment où ça finit par clasher. Surtout
qu'on a deux personnalités assez fortes. J'adore certaines des chansons
qu'on a faites ensemble. J'ai toujours aimé sa façon de composer,
sa voix, sa diction particulière. Maintenant, il faut qu'elle se prenne
en main et qu'elle soit Keren Ann. C'est pas un conseil, seulement mon sentiment.
Je suis très heureux de l'avoir rencontrée. Notre association
fonctionnait bien, mais on a trop vite été mis en compétition.
On n'est pas fâché. C'est juste fini, comme dans un couple. Même
si je trouve qu'elle a, un peu trop à mon goût, la garde des enfants.
-- Propos recueillis par Franck
Vergeade
-- transcrit par Sonar Démocrate