Au large déjà - Magic! n°69 (Mars 2003)

"Du dernier décan/ Je suis négatif/ Je suis turbulent/ Je suis négatif/ poussé par le vent/ Sur quelques ifs/ Me suis vidé de mon sang/ Trop émotif/ Je rêve d'un printemps définitif". Ainsi se présente Benjamin Biolay sur la treizième plage de son somptueux second album, chanson clef de voûte située avant l'instrumental final, "Exsangue'. Le ton est donné, noir comme la couleur de ses costumes. En quatorze titres à la fois légers, évidents, touchants et prodigieusement produits, Négatif dépasse surtout les folles espérances augurées par Rose Kennedy au printemps 2001. Et place son auteur-compositeur-arrangeur-interprète sur le trône générationnel de la chanson française, que beaucoup s'évertuent à prostituer avec une indigence artistique frisant le consensus critique. Comme une réponse salvatrice à un contexte hostile, cet album voit également Biolay déchiffrer des contrées électroniques ('Little Dalin'' et son sample piqué à Jimmie Rodgers and The Carter family, le single en trompe l'oeil 'Chaise à Tokyo') et acoustiques (la country ironique de 'Billy Bob a raison', le duo 'Je Ne T'ai pas Aim'é avec sa femme Chiara Mastroianni) qu'il avait jusqu'ici à peine explorées. A l'heure où BB, initiales promises à un destin forcément exceptionnel, multiplie les productions (Valérie Lagrange, Stephan Eicher, Juliette Greco..), ce disque positivement négatif vient rapeller qu'il n'est pas seulement un metteur en son d'exception. Mais une exception tout court.