INITIALES B.B.- Lyon Mag (sept. 2003)
"Début octobre, Benjamin Biolay revient à Bron et à Villefranche-sur- Saône, où il est né, pour chanter les titres de son deuxième album, "Négatif". Une oeuvre assez noire avec des arrangements musicaux country, des violons, de l'électro... Un superbe cd qui confirme le talent de ce jeune artiste qui à déjà écrit pour les plus grandes stars : Henri Salvador, Françoise Hardy, Juliette Gréco... Chanteur, auteur, compositeur et producteur, BB, qui est marié depuis un an et demi avec Chiara Mastroianni, explique pourquoi il a choisi la polyvalence
Pour vous, c'est important de revenir avec ces concerts dans la région lyonnaise ?
Oui, car même si je vis avec ma femme et notre bébé à Paris, je reste attaché à ma région, notamment à Lyon, où je suis venu habiter à 14 ans pour étudier le tuba et le trombone au conservatoire. Malheureusement, mon emploi du temps ne me permet pas de revenir aussi souvent que je le souhaite dans la région.
Vous gardez des contacts avec des lyonnais ?
Oui. Notamment avec Hubert Mounier, l'ancien chanteur du groupe l'Affaire Louis Trio, qui reste un très bon ami. On s'est rencontré un soir par hasard dans un bar du 2ème arrondissement où je jouais. Et depuis, on ne s'est plus quittés. Car il m'a permis de prendre confiance en moi et il a su me guider en écoutant mes chansons. Mais j'apprécie aussi ses mélodies très travaillées et les images très fortes de ses textes. C'est vraiment un artiste très talentueux qui mériterait d'être plus connu.
Qu'est ce que vous allez jouer pour vos concerts?
Principalement des chansons de "Négatif", mon dernier album, qui est assez sombre. Un album où je parle de tueurs en série, de déprimes, d'amours déçus.... En fait, on a tous des pensées noires, et c'était une façon de me purger. Et puis, ce qui m'intéressait, c'était d'écrire des chansons décalées en jouant sur l'humour noir, mais aussi sur le contraste entre les textes sombres et une jolie musique.
Votre style musical ?
J'avais envie de le lâcher,
de ne plus me censurer. Du coup, j'ai choisi d'évoluer dans un registre
assez large en utilisant tous les
styles de musique que j'aime : la country que j'ai découverte en écoutant
l'album Blanc des Beatles, des passages de cordes qui font penser à de
la musique classique que j'ai étudié au conservatoire... Sans
oublier l'électro, que j'ai découvert très tôt avec
le groupe Yello.
Dans cet album, on ressent beaucoup l'influence de Serge Gainsbourg !
Oui. Car c'est lui que m'a donné envie de faire ce métier. J'ai toujours été fasciné par ses arrangements de cordes, notamment dans Melody Nelson. Mais aussi par ses textes qui me font parfois penser à du Rimbaud.
Mais vous êtes à la limite du plagiat !
Non, j'espère avoir trouvé mon propre style. Et puis ça me paraît impossible de faire du Gainsbourg, qui est unique. D'ailleurs, je n'aurais pas envie d'abîmer ses chansons en les plagiant. Cela dit, c'est vrai que tous les deux, on a le même style de voix, pas très forte.
Alors, pourquoi vous chantez?
Parce que je ne considère pas ma voix comme un handicap. Et pour moi, elle a notamment l'intérêt de ne pas pouvoir être très puissante. Du coup, j'éprouve tout simplement du plaisir à travailler avec cette voix.
Et vous allez continuer à écrire des chansons pour les autres?
Oui, car c'est très enrichissant de travailler avec d'autres chanteurs qui ont une sensibilité différente. Et puis, on peut faire chanter à une autre personne des textes qu'on n'oserait pas chanter soi-même.
Des interprètes avec lesquels vous avez envie de travailler?
J'ai déjà eu la chance de travailler avec la plupart des chanteurs et chanteuses que j'admire : Henri Salvador, Julien Clerc, Hubert Mounier... Mais j'aimerais aussi écrire pour Jacques Dutronc . Car j'aime sa façon très décalée d'interpréter des chansons. En plus, c'est une personnalité passionnante, car c'est un paradoxe vivant : il donne l'impression de s'intéresser à tout et en même temps de se foutre de tout.
Vous n'avez pas peur de vous disperser?
Non, car toucher à tout, ça me rassure et ça me détend. D'ailleurs, je ne suis pas seulement auteur, compositeur et interprète, mais aussi producteur, un métier que j'ai appris très tôt, quand au début je n'avais pas assez d'argent pour réaliser mes disques..
Mais pourquoi vous continuez à être producteur aujourd'hui ?
Parce que j'adore la dimension humaine de ce métier. C'est un vrai boulot de coach, où il faut savoir expliquer à un chanteur pourquoi son interprétation est plus ou moins bonne. Ce qui nécessite de la persuasion mais aussi du tact.
Pourquoi vos chansons passent rarement à la radio ?
Parce qu'en général les radios se spécialisent dans un créneau : le rock, le rap, la techno... Ce qui leur permet d'avoir une identité forte pour fidéliser des auditeurs. Or mes chansons ne correspondent pas à ces catégories.
Mais aussi parce que vous n'avez jamais sorti de tube !
Mais j'en suis au début
de ma carrière, je progresse. Et ce n'est pas plus mal, parce que, si
j'avais tout de suite sorti un tube,
j'aurais été trop vite exposé médiatiquement.
Vous n'avez pas envie de devenir célèbre ?
Si. Mais à condition d'être reconnu pour la qualité de mes chansons.
Mais vous êtes déjà un habitué des magazines people!
Mais Catherine Deneuve est ma belle-mère et Chiara Mastroianni ma femme... D'ailleurs, ces gens célèbres que je côtoie, je trouve qu'ils sont assez simples. En tout cas ils ont beaucoup moins la grosse tête que certains attachés de presse !
Pourquoi étiez-vous à l'enterrement de Marie Trintignant?
Parce que ma femme était très proche de Marie Trintignant. Moi, je connaissais un peu Marie, que j'aimais aussi comme actrice. Sa voix grave, cette fêlure profonde qu'on pouvait ressentir chez elle... Tout cela était très attirant. Mais je connaissais aussi Bertrand Cantat, que j'avais rencontré en février 2002, lorsqu'on avait remporté une victoire de la musique. Et bien sûr, j'ai été vraiment bouleversé par le drame. Mais en dire plus, ce serait de l'indécence.
Vos projets ?
Je suis en train de terminer
les chansons que j'ai écrites pour le prochain album de Juliette Gréco.
Je prépare aussi un cd qui va
sortir l'année prochaine, où ma femme sera la principale interprète.
Mais contrairement à ce qui a été dit, je ne prépare
pas un disque avec Catherine Deneuve.
Et à part la musique ?
Je suis en train d'écrire un roman que j'espère terminer rapidement. Ce sera le journal d'une amnésie. J'avais vraiment envie de me lancer dans cette aventure. Car l'écriture d'une chanson est assez contraignante. Je suis souvent obligé de censurer des phrases très belles pace qu'elles ne sont pas chantables. Alors que dans un roman, je pense vraiment pouvoir me faire plaisir avec les mots.
-- Jean Barbier, Lyon Mag
Encart : "Une grande sensibilité"
Cheveux mi-longs châtains,
regard mystérieux, l'air fragile, Benjamin Biolay parle à voix
basse, sur un ton assez monocorde, en tirant sans arrêt sur sa cigarette.
Impossible de ne pas penser à Gainsbourg! Toujours assez précis,
parfois un peu maniéré, il a en tout cas le sens des mots. Et
quand il répond aux questions, il garde une certaine spontanéité.
Car il dit simplement ce qu'il pense sans chercher à jouer les intellos.
Mais on sent chez lui une grande sensibilité lorsqu'il évoque
par exemple ses chanteurs préférés. D'ailleurs sa culture
musicale est impressionnante. Très pudique, il n'aime pas quand on parle
de lui, encore moins de son amie Marie Trintignant ou de sa femme Chiara Mastroianni.
Né en 1974 à Villefranche-sur-Saône, BB a grandi dans une
famille de musiciens. Son père, qui est agent de maîtrise, joue
de la clarinette. Du coup, dès l'âge de 5 ans, il commence le violon.
Et à 14 ans, il rentre au conservatoire de Lyon. Mais très vite,
il est attiré par la variété et compose ses premières
chansons. Fan de Gainsbourg, de Trenet, mais aussi de The Smith, il monte à
Paris lorsqu'il a 20 ans pour signer un contrat avec EMI, qui produit son premier
single "La révolution". Ce sera une déception. "On
m'a obligé à chanter un octave au-dessus de ma voix naturelle,
et ça ne collait pas du tout à mon style", explique aujourd'hui
ce jeune artiste qui va écrire des chansons pour les autres : Keren Ann,
Henri Salvador, Juliette Gréco... Un succès puisque l'album d'Henri
Salvador "Jardin d'hiver" se vend à 800 000 exemplaires. L'année
suivante, il sort son premier album, "Rose Kennedy", qui évoque
l'histoire de la célèbre famille Kennedy. Il aura le droit à
des critiques élogieuses et à une victoire de la musique dans
la catégorie "révélation". Et en avril 2003,
il sort son deuxième album "Négatif". Un artiste inclassable,
touche à tout, qui pourrait bien devenir le nouveau Gainsbourg."