La pénombre de Benjamin Biolay - La Libre Belgique (08 avril 2003)

Benjamin Biolay est producteur-arrangeur. Le jeune artiste français est aussi auteur-compositeur- interprète. Après un balnéaire «Rose Kennedy», «Négatif» emprunte le chemin des plaines.

ENTRETIEN

Benjamin Biolay possède de nombreuses cordes (à son arc ou à ses violons, c'est selon). Mais pour laquelle est-il le plus connu? Sans doute celle de producteur-arrangeur. On lui doit notamment, ainsi qu'à son alter ego musical Keren Ann, le retour d'Henri Salvador, qui sortait, fin 2000, «Chambre vue». Depuis lors, les projets auxquels on lui a demandé de s'associer n'ont cessé de se bousculer. Derniers en date: Françoise Hardy, Valérie Lagrange et Juliette Gréco. Si «Négatif» est son deuxième album en tant qu'auteur-compositeur-interprète, lui ne le perçoit pas ainsi. «Je n'ai pas connu les affres de la réalisation du second album puisque j'ai l'impression d'en être à mon sixième.» Autrement dit, la conception de «Négatif» ne s'est pas vraiment faite dans la continuité. «Trois chansons ont été composées au milieu d'autres projets. Le reste a pris place de façon graduelle et concentrée.»

Pour son second opus, Benjamin Biolay a voulu changer de paysage. Après un balnéaire «Rose Kennedy» - mettant en scène la célèbre dynastie -, il prend le chemin des plaines, à quelques centaines de kilomètres plus à l'ouest, pour un bucolique «Négatif» : accords de guitares country ou sample de Jimmie Rodgers en sus. «J'ai beaucoup écouté le disque blanc des Beatles qui comporte pas mal de chansons folk et country. J'ai voulu savoir quelles pouvaient être leurs influences et ai découvert des disques dont certains sont devenus des albums de chevet. Celui de Jimmie Rodgers, en particulier.»

L'Amérique

D'un champ (textuel) à l'autre (musical), BB continue donc son exploration de l'Amérique. «J'adore l'Amérique. La culture américaine pour être plus précis. Enfin, une certaine culture américaine! Une culture de classe, c'est-à-dire élitiste. Même si dans la musique, il y a eu quelques exceptions: Bob Dylan a vendu énormément de disques. Il est quand même élitiste. Sa pensée est parfaite, c'est un type intelligent et brillantissime.»

Le canevas de «Négatif» ? Exploiter de différentes façons le titre, tout simplement. «Je ne voulais pas parler seulement de sentiments négatifs, mais aussi des négatifs en photographie ou encore le fait d'utiliser des négations, de créer des contraires, d'apposer des oppositions, des choses comme cela. Je travaillais ainsi d'une façon quelque peu ludique. Sans que cela devienne un casse-tête. Je ne voulais pas faire comme Georges Perec dans «La Disparition», où il avait supprimé tous les e .» «Négatif», la chanson générique, fut écrite au moment où Benjamin produisait «Salle des pas perdus», le premier disque de sa petite soeur Coralie Clément. «J'en avais marre de la bossa, des choses légères et un petit peu superficielles, même s'il s'agissait de vrais sentiments. Au milieu de l'enregistrement, j'étais censé avoir une journée off. J'ai décidé de garder le studio pour moi et j'ai composé ce qui allait devenir «Négatif». C'était vraiment spontané, naturel. C'était moi: tout cru, tout nu.»

Après s'être révélé romantiquissime sur son précédent album, l'on se demande si le fait de convoler en justes noces en mai dernier s'inscrit dans la même lignée. «Je n'avais jamais imaginé me marier. Mais il se fait que j'ai rencontré la femme de ma vie. Celle que j'attendais.» C'est ainsi que l'on retrouve Chiara Mastroianni - puisque c'est d'elle qu'il s'agit - en duo («Je ne t'ai pas aimé») ainsi que du côté des choeurs. «A la maison, j'aimais bien qu'elle chante mes chansons à ma place. Au début, cela a été
assez laborieux, puis cela l'a éclatée car elle a constaté que ce n'était pas un saut dans le vide: que le fait de donner une émotion, un ton à une chanson était assez proche de son travail d'actrice.»

Plus proche de Françoise

Dans sa façon de non-chanter, certains n'ont pas manqué de rapprocher Benjamin Biolay de Serge Gainsbourg. «Je suis fan et j'assume. Quand j'étais plus jeune, je l'ai beaucoup écouté. Cela m'a certainement formaté. C'est lui qui m'a offert la solution à mes problèmes vocaux. Par contre, dans l'écriture, je n'ai jamais cherché à le pasticher, et de toute manière, je n'ai pas la même personnalité que lui. Par exemple, je ne suis pas misogyne. Pour revenir au non-chant, quand je suis devant un micro, je pense davantage à Françoise Hardy.» Qui l'a également converti aux astres, ne manquant pas de lui recommander de prendre note de l'heure de naissance de son bébé à naître de ces jours-ci. Par ici les potins...

-- MARIE-ANNE GEORGES