Initiales B.B. - La Dernière Heure (05 avril 2003)

Bientôt papa d'un enfant mis au monde par Chiara Mastroianni, Benjamin Biolay accouche de son nouvel opus

BRUXELLES A la sortie de son premier album, Rose Kennedy, en juin 2001, Benjamin Biolay nous avait avoué qu'il avait dû attendre d'être fin saoul pour oser écouter son disque en entier et «d'apprécier enfin la voix qui chantait dessus».

Deux ans plus tard, au moment où son nouveau CD, Negatif, atterrit dans les bacs, ce beau mec au look nouvelle vague est toujours un artiste en proie aux doutes. Mais l'homme, lui, respire la confiance.

«Mon disque est terminé. Il ne m'appartient plus. Je ne vais pas m'en faire. Il y a des choses bien plus primordiales dans la vie. Je vais être papa dans quelques jours. La musique reste importante car elle a toujours fait partie de ma vie mais j'ai la tête ailleurs. Quelque part, c'est beaucoup mieux. Même si j'ai confiance en mon nouvel album, Negatif, je sais qu'on ne va pas
me rater. Rose Kennedy a bien été accueilli par les critiques. Il s'est bien vendu et j'ai été récompensé d'une Victoire de la Musique. Connaissant la mentalité du milieu, je m'attends à ce qu'on me tombe dessus. Je m'y suis préparé.»

Benjamin Biolay a tout pour lui. Et donc tout pour déplaire... A trente ans, ce natif de Villefranche-sur-Saône affiche déjà un beau palmarès. En tant que chanteur, Negatif est son deuxième album, après Rose Kennedy, disque concept autour du clan Kennedy, traversé de violons et d'arrangements subtils qu'on n'avait plus entendus sur un disque français depuis le Melody
Nelson de Serge Gainsbourg. Il est aussi coresponsable du Jardin d'hiver d'Henri Salvador, avec Keren Ann. Une Keren Ann dont il a réalisé les deux albums solo. Biolay a mis aussi ses talents d'arrangeurs au service des autres, tous gens et genres confondus. Il est ainsi crédité sur le nouvel opus du duo Les Nubians. On le retrouve à la production sur quatre titres du prochain Eicher ainsi que sur le nouveau CD de Juliette Greco.

Enfin, on ajoutera que le gaillard est aussi l'heureux époux de Chiara Mastroianni qui prête sa voix sur plusieurs morceaux de Negatif. «J'ai dû la convaincre. Ce ne fut pas facile. Nous avons enregistré l'album à Bruxelles, aux studios ICP. Chiara est la première personne qui entend mes morceaux. Quand elle trouve que c'est nul, j'enrage mais je tiens compte de son avis. En chantant sur Billy Bob a raison, premier titre de l'album, elle s'est aperçue qu'il s'agissait d'un travail d'interprétation quasi similaire à son métier d'actrice. Il a fallu encore la persuader de garder sa voix sur le mixage final.»


Autant Rose Kennedy était imprégné de romantisme (les violons), d'influences françaises (Gainsbourg) et d'un fil rouge (Kennedy), autant Négatif part dans plusieurs directions. «Je dirais que c'est un album un peu country, mais dans le sens bucolique du terme. Le premier disque que j'ai usé sur ma platine était le double blanc des Beatles. Il contenait beaucoup de chansons calmes, quelque peu country. Ça m'a influencé. Par rapport à Rose Kennedy, il y a moins de violons. J'avais peut-être trop abusé des cordes à l'époque. Ça finissait par faire cliché. J'ai remarqué que les gens ne retiennent que
les clichés. Quand on parle de moi, c'est le gars en costard qui utilise beaucoup de violons. Le costard-cravate, je trouve ça classe. Quand tu portes un costard, tu fais gaffe. Ça implique plein de choses. Même en studio, j'aime être bien habillé. L'autre jour, je suis arrivé en costard à l'ICP et tous les musiciens étaient en short. Il y a eu comme un malaise.»

Riche de 13 chansons et d'un instrumental (Exsangue), Negatif est un CD aux couleurs chaudes, aux climats sereins, truffés d'arrangements subtils quand le besoin s'en fait ressentir mais aussi habité de simples et belles ballades acoustiques dépouillées, à l'image de la plage d'ouverture ou Des lendemains qui chantent.

-- Luc Lorfèvre